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Témoignage Vincent Dutorte
« Si le projet d'aménagement des berges de Seine voit le jour tel qu'il est prévu aujourd'hui, mon exploitation maraîchère ne tiendra pas le coup »

Au Mesnil-le-Roi (Yvelines), Vincent Dutorte est maraîcher. Installé depuis 2015, il craint pour son exploitation familiale dont la pérennité pourrait être largement remise en cause par un projet d'aménagement des berges de Seine.

C'est un mauvais cauchemar duquel Vincent Dutorte aimerait bien se réveiller. Au Mesnil-le-Roi (Yvelines), les journées du jeune maraîcher - installé depuis 2015 sur l'exploitation familiale située en bord de Seine - sont rythmées par une question : « Mon exploitation sera-t-elle encore pérenne demain ? »

En cause, un vaste projet d'aménagement des berges de Seine, porté par la mairie du Mesnil-le-Roi et la communauté d'agglomération Saint-Germain Boucles de Seine, qui prévoit l'expropriation du maraîcher d'une partie de ses terres. Une situation qui conduirait inéluctablement à une fragilisation de son activité déjà malmenée par l'urbanisation environnante et qui l'amènerait à terme à devoir mettre la clé sous la porte.

« Le seul accès aux fonds de mes parcelles »

« J'ai eu connaissance du projet il y a environ deux ans alors qu'il était déjà à un état d'avancement certain. Je n'ai été consulté à aucune étape de l'élaboration du tracé et j'ai tout simplement reçu un jour un courrier d'expropriation. C'est un peu abrupt, raconte Vincent Dutorte. J'exploite ici 30 hectares de terres qui sont enclavées d'un côté par les habitations et de l'autre par la Seine. Le projet prévoit de m'exproprier de la totalité du chemin qui longe la Seine, sur une largeur de 6 à 10 mètres, pour en faire une voie verte dans le cadre du plan vélo de la Région Île-de-France. Hors, ce chemin est le seul accès que j'ai pour accéder aux fonds de mes parcelles en cas de crue de la Seine, ce qui, ici, est assez fréquent puisque nous sommes considérés comme un bassin d'extension de la Seine. Ne pas pouvoir travailler sur plus de 10 % de la surface cultivée, c'est inenvisageable. D'autant qu'il faudra que je recrée un chemin plus loin pour accéder à mes parcelles et que je devrai aussi reculer ma limite de production pour être en règle avec les zones de non-traitement. Si le projet voit le jour tel qu'il est conçu aujourd'hui, mon activité ne tiendra pas le coup ! »

Car ce que Vincent Dutorte craint aussi, c'est la cohabitation avec les futurs usagers de cette voie verte. « Mon exploitation est HVE, je suis très attentif à mes pratiques, je suis équipé de bineuse dernier cri, de robot avec des caméras et je minimise au maximum les traitements, souligne le maraîcher. Néanmoins, quelques applications sont nécessaires dans l'année et nous sommes désormais dans une société où dès qu'on sort un pulvérisateur, on est un moins que rien, un homme à abattre. Je doute que la cohabitation soit possible de manière harmonieuse ».

« On veut faire de moi une agriculture de vitrine »

Conscient de la volonté des pouvoirs publics de mettre en œuvre ce projet d'aménagement, le maraîcher ne s'y oppose pas et a même tenté de proposer une autre solution qui aurait dévié le tracé prévu de quelques dizaines de mètres afin de contourner l'exploitation maraîchère, et celle de son voisin, impacté lui aussi de la même façon. « J'ai, pour le moment, eu une fin de non-recevoir avec le sentiment qu'on veuille faire de moi un maraîcher sous cloche, montrer une agriculture de vitrine, qui ne salit pas les routes, qui ne traite pas ses cultures, qui ne fait jamais de bruit… ».

Pourtant, avec ses 30 hectares de culture et deux rotations par an, Vincent Dutorte représente l'exemple même d'une exploitation maraîchère économiquement viable comme il en reste peu en Île-de-France. Il emploie 30 personnes à l'année et assure une partie de la souveraineté alimentaire locale, en vendant une grande partie de sa production en vente directe et dans un rayon de moins de 40 kilomètres de son exploitation. « Je représente la 5e génération de maraîchers dans ma famille mais à cette heure-ci, j'envisage sérieusement le fait que je puisse être le dernier. Je suis incapable de me projeter à 5 ou 10 ans, je suis forcément frileux quand il s'agit de faire le moindre investissement. Je n'ai pas 40 ans. Personne n'accepterait de vivre avec une telle épée de Damoclès sur la tête. J'ai aujourd'hui une exploitation qui est un véritable avion de chasse mais la piste est trop courte pour atterrir donc ça ne peut pas marcher. Nous ne sommes plus nombreux en tant que maraîchers en Île-de-France, surtout avec cette capacité de production. J'ai la chance d'exister encore, c'est une richesse pour l'activité maraîchère francilienne alors pourquoi vouloir me torpiller ainsi ? Au moment du Covid, nous avons été quasiment considérés d'utilité publique, tous les honneurs nous étaient faits et aujourd'hui, il ne reste absolument rien de cette considération ».

« Plusieurs demandes de rendez-vous restées sans réponse »

Lors de l'inauguration de la première partie de l'aménagement des berges de Seine début octobre, Vincent Dutorte et son voisin maraîcher ont mené une action symbolique avec des tracteurs pour faire connaître leur situation aux élus présents. Un cri du cœur resté pour le moment sans réponse malgré les demandes de rendez-vous formulées. « Si je dérange, si on ne veut plus de maraîchers ici et si je dois être exproprié, autant que je le sois sur la totalité de mes terres pour que je puisse délocaliser entièrement mon exploitation et repartir de zéro ailleurs, car cette situation sera purement et simplement intenable » souffle le maraîcher qui estime être dans une totale impasse.

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