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Pêcher la carpe, le gardon ou le brochet, tout un métier !

La région Centre-Val de Loire est la première région piscicole d’étangs de France. Explications.

© Sabrina Beaudoin

Lors des rencontres économiques Dev’up Centre Val de Loire qui se sont déroulées le 12 novembre au centre de conférence à Orléans, l’Area (Association régionales des entreprises alimentaires) a organisé une table ronde sur la filière piscicole. 

« La filière piscicole en région est fondamentalement lié au territoire depuis le moyen-âge » débute Cathy Luchini, animatrice de la FAReC (Fédération aquacole de la région Centre). En région Centre-Val de Loire, il existe trois grandes zones piscicoles : la Brenne, la Sologne et le Val de Loire.  « Quand on parle d’activité piscicole en région Centre-Val de Loire, on parle de l’élevage de poissons d’étangs. C’est un élevage naturel qui se passe sur un cycle long » précise-t-elle.  En effet, si l’on prend l’exemple de la carpe, il faut compter trois années complètes pour retrouver une belle carpe de qualité dans son assiette !

Suivre le rythme naturel des poissons
L’élevage de poissons d’étangs s’oriente autour du rythme naturel du poisson. Le poisson naît en tant que larve dans son milieu. Il faut attendre une année pour obtenir un petit poisson de
50 grammes appelé «feuille» dans le jargon des pisciculteurs de la région. Cette feuille continuera sa croissance dans l’étang. Après une seconde année, elle devient un « nourrain» qui pèse 200 à 400 grammes.
Il faudra attendre une année de plus pour découvrir la carpe adulte qui pèse entre 1,5 et
2,5 kg. « À ce stade, c’est une carpe dite « marchande »  indique-t-elle.
La période de pêche en étang court du 15 octobre au 15 février.

Les étangs sont vidés une fois par an pour pêcher le poisson. La pêche se fait de manière traditionnelle, c’est un milieu où la mécanisation n’a pas fait son nid. Le pêcheur passe un filet à la main dans un étang préalablement vidé où seule une petite zone, la pêcherie (ou poële), demeure. Un filet à grandes mailles est passé en premier afin de récupérer les gros poissons, puis un second coup de filet à mailles plus serrées pour les plus petits. C’est un travail assez long et fastidieux qui demande beaucoup d’huile de coude ! « C’est un métier difficile et surtout un métier de passion » admet Cathy Luchini. Une fois le filet resserré, le pêcheur utilise une filanche (sorte d’épuisette sans manche) pour attraper les poissons qui sont placés sur une table de tri et sont classés manuellement par taille et espèce.
«La production est très extensive, on compte une production de l’ordre de 100 à 150 kg
de poissons à l’hectare. C’est très minime et pas forcément rentables économiquement » avoue-t-elle. « Par contre, les poissons qui sortent des étangs sont de très bonnes qualités, le cycle naturel n’a pas été bouleversé » insiste Cathy Luchini. À noter que la plupart des pisciculteurs sont pluriactifs.

« Si nous n’avons pas d’eau, il n’y aura pas de poissons. Les producteurs sont donc très sensibles au fait de conserver l’eau surtout en période de sécheresse» explique-t-elle. «Il faut savoir que les étangs, qui ne sont généralement pas alimentés par des sources mais par les eaux pluviales récupérées des bassins versants, communiquent entre eux. On essaye de récupérer l’eau du voisin du dessus à chaque fois qu’il vide son étang. Il y a un calendrier de pêche établit à l’avance et le pisciculteur doit être bien organisé. Il ne faut pas gaspiller l’eau. Quand l’heure de la pêche est arrivée et qu’il faut vider son étang, il faut s’organiser et s’assurer que cette réserve en eau ne disparaisse pas. Il faut aussi prendre conscience que le poisson peut rapidement stresser et cette pathologie peut compromettre son développement, les vidanges des étangs avant la pêche se font donc de manière progressive afin d’éviter ce phénomène de stress et de respecter le bien-être du poisson.»

Les poissons se nourrissent de ce qu’ils trouvent directement dans l’étang, en particulier de zooplancton. Les carnassiers comme le sandre ou le brochet se nourrissent de petits poissons comme les gardons. Pour  1 kg de brochet, il faut 4 à 10 kg de gardons !

1 200 tonnes de poissons pêchés par an
La production de la filière en région Centre-Val de Loire représente aujourd’hui près de 1 200 tonnes de poissons pêchés par an. La région est la première région piscicole d’étangs de France notamment grâce à la Brenne qui est la zone la plus active avec une production de 800 tonnes par an pour 6 000 hectares d’eau. La Sologne détient une grande surface en eau (1 2000 hectares) mais a favorisé la chasse à la pêche. La production avoisine les 300 tonnes par an. En Val de Loire, la pisciculture n’est plus vraiment développée.

C’est une filière qui est en difficulté. Depuis plusieurs années, le nombre de pisciculteurs ne fait que diminuer et cela pour plusieurs raisons. C’est un métier difficile, qui n’est pas très rentable et qui dépend de plusieurs règlementations complexes. De plus, le pisciculteur n’a que peu de moyens de contrôler l’évolution de son milieu de production (contrairement à un champ, difficile de voir ce qui se passe sous l’eau !), est soumis aux aléas climatiques et est confronté à une forte prédation aviaire. Par exemple en Brenne, la production est passée de 1 200 tonnes en 2008 à 800 tonnes en 2018 mais grâce aux efforts des acteurs de la filière ce chiffre a tendance à se stabiliser depuis quelques années.
Dans un étang, est pratiqué le polyélevage : plusieurs poissons peuvent être élevés (c’est d’ailleurs nécessaire pour le bon équilibre de l’étang !). Le plus développé c’est la carpe, c’est le premier poisson produit pour 50 % de la production. Les gardons représentent 30 ‡% de la production et la tanche 10 %. Les carnassiers pour le reste.  A noter que seulement 25 % de la production est à destination de l’alimentation humaine. Le reste de la production est utilisé pour le repeuplement des plans d’eau et des rivières.

La carpe : un poisson royal
La carpe était un poisson royal. « La carpe pêchée en Brenne faisait plusieurs jours de trajets en charrette pour être livrée dans de grandes villes où elle était très prisée » raconte Cathy Luchini. Outre cette légende royale, la carpe farcie était un plat traditionnel qui ne se cuisine plus vraiment aujourd’hui. En Alsace, il existe la Route de la carpe frite, c’est une aventure gourmande au pays des rivières et des étangs.
Alors pourquoi manger de la carpe n’est pas aussi excitant qu’une bonne daurade ? « La carpe a une mauvaise image. C’était le plat du pauvre qui avait un goût de vase, ce n’était pas forcément un produit agréable » avoue Frédéric Berthault, transformateur et gérant de l’Auberge du Grèbe à Lureuil. C’est un adepte du poison d’eau douce. Il transforme la carpe, le brochet, le sandre, bref tous les poissons de la Brenne. Il est en contact direct avec le producteur mais pas seulement. Il travaille aussi avec Fish Brenne. En région Centre -Val de Loire, il n’existe officiellement que deux transformateurs Fish Brenne, une entreprise de 17 personnes située au cœur de la Brenne et Frédéric Berthault. Fish Brenne transforme près de 130 tonnes de carpes par an en filet frais ou fumés.
« Nous avons commencé à travailler le poisson d’étang pour le restaurant, des plats mais aussi des soupes ou des terrines puis est venue l’idée de proposer aux clients de repartir avec les produits » explique Frédéric Berthault. « Nos recettes n’étaient pas appropriées pour être mises en conserve. Nous avons repensé nos produits et du coup, je suis devenu transformateur. Je travaille avec une gamme complète de poissons d’étang » poursuit-il. Il a élaboré ces nouvelles recettes en 2011, depuis son activité a le vent en poupe. « Nous proposons du poisson confits dans de l’huile, des terrines, des produits à tartiner.» Depuis peu, il a obtenu un l agrément sanitaire qui lui permet de commercialiser ses produits sur un périmètre moins restreint. Il a d’ailleurs trouvé un distributeur en Alsace. En attendant, il continue de proposer des recettes délicieuses dans son Auberge. Au menu brochet rôti avec crème de potimarron.
Aujourd’hui, la FAReC souhaite dynamiser cette filière au niveau régional avec l’élaboration d’un Cap filière piscicole. L’idée serait d’accompagner tous les maillons de la filière pour les aider à se développer, leur offrir une aide technique et de valorisation. Le Cap filière piscicole est en cours d’élaboration et devrait être soumis aux élus du Conseil régional d’ici début 2019.

Bon à savoir
Il faut savoir qu’un étang est totalement vidé une fois tous les 8-10 ans. «On le met en assec, c’est à dire qu’il est au repos pendant une année complète, sans eau» précise Cathy Luchini, animatrice de la FAReC. Cet assèchement temporaire permet de réduire l’envasement, de régénérer et d’entretenir l’étang. Il est même relativement fréquent de planter de petites cultures qui fourniront de la matière organique indispensable à la production de zooplancton lorsque l’étang sera remis en eau.

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