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Smart Agriculture : l'heure de la modulation intraparcellaire a sonné !

Mettre en place un ensemble de technologies dans le processus de production afin d'assurer une performance à la culture : c'est le concept imaginé par CybeleTech. Opérationnel en 2016.

Jean-Michel Couade, directeur commercial des Établissements Jean-Chesneau : « Un projet d'avenir. »
Jean-Michel Couade, directeur commercial des Établissements Jean-Chesneau : « Un projet d'avenir. »
© Loiret agricole et rural

« La complémentarité des acteurs fait la richesse du projet. Notre objectif : apporter une valeur ajoutée à l'agriculteur. Si c'est pour faire un gadget, ce n'est pas la peine ! » Marie-Joseph Lambert est l'un des fondateurs de CybeleTech. Selon la mythologie, Cybèle est la déesse de la fertilité... La naissance de l'entreprise orléanaise résulte de la rencontre de trois hommes. Le premier : Christian Saguez, un mathématicien spécialiste des technologies de simulations. L'un des créateurs de l'Institut national de Recherche en Informatique et Automatisation. Un Centralien. À la fin de sa carrière, il est revenu à ses premières amours et a créé une entité de cent quarante personnes : le Laboratoire de Mathématiques appliquées aux Sciences et Technologies de l'Information, où étaient développés des travaux de recherche sur les technologies de modélisation et de simulation.

L'intéressé constitua avec l'un de ses élèves (Paul-Henry Cournede) l'équipe Digiplante, dédiée à la modélisation de la croissance des plantes. Celle-ci, après plusieurs années de travaux de recherche, élabora l'équation relative à la croissance des plantes à partir de la répartition de la biomasse dans l'architecture de la plante (système racinaire et organes fruitiers). En parallèle, Marie-Joseph Lambert travaillait dans l'agrochimie. En lisant une revue scientifique, il découvrit les travaux des deux autres acteurs et entra en contact avec eux. Six ans plus tard, CybeleTech voyait le jour. « Pour que tous les secteurs puissent innover, il faut pouvoir simuler : cela suppose la puissance du calcul. »

Christian Saguez créa Teratec (pôle européen de compétences en simulation numérique haute performance) en réunissant des acteurs du Cac 40 et avec cette intuition : il est plus utile de mettre en commun ses moyens de calculs que de rester tout seul. Teratec est la première puissance de calculs en Europe et la quatrième dans le monde avec trois pétaFlops : trois millions de milliards de capacités de calculs par seconde. Objectif : un hexaFlop. Soit un milliard de milliards d'opérations par seconde ! Les acteurs initiaux de ce projet furent les secteurs de l'aéronautique, de l'automobile, de l'énergie et du bâtiment et des travaux publics. Le fondateur de Teratec eut l'idée suivante : décliner ces modèles dans d'autres activités telles que la médecine à domicile et la croissance du végétal.

La pluie à la parcelle

« Je connaissais bien le monde agricole » déclare Marie-Joseph Lambert. Cela déboucha sur la naissance d'une première entité sous l'égide de Teratec. « Rapidement, nous avons eu envie de nous implanter au coeur de la région du végétal : le Loiret est la première région en nombre d'espèces « industrialisées » (grandes cultures, maraîchage, horticulture, arbres et forêts). C'est un nouveau marché et on y accède par des projets collaboratifs de type Smart Agriculture. Objectif : mettre en place des innovations technologiques à grande échelle en prenant systématiquement Orléans et le Loiret comme points d'appuis. »

Le concept de Smart Agriculture consiste à mettre en place un ensemble de technologies dans le processus de production afin d'assurer une performance à la culture (amélioration des rendements, ajustement des intrants et réduction d'autant des impacts environnementaux). « Aujourd'hui, le principal outil qui manque, c'est le potentiel de rendements. Les agriculteurs possèdent les compétences mais il leur manque la précision de l'information. » Marie-Joseph Lambert cite l'exemple de la pluie à la parcelle : « Dans le projet, il y aura un radar capable de mesurer les précipitations dans un rayon de quarante kilomètres sur des pixels de cent hectares. Or l'aspect climatique représente un élément différenciateur : une meilleure compréhension de la croissance de la plante et surtout une meilleure compréhension du développement des maladies. »

Caméra optique ou radars

L'autre apport du projet réside dans la capture d'images : « Selon les espèces, on passe du satellite au drone en changeant de capteurs. » Une caméra optique a pour gros avantage sa sensibilité : elle est capable d'aller chercher la biomasse, la couverture foliaire ainsi que le taux de chlorophylle de la plante et qui est très proche de son besoin en azote. Point faible : en cas de ciel gris, l'outil ne parvient pas à percer les nuages. D'où l'intérêt de radars sur satellites : ils sont efficients la nuit ou sous un ciel nuageux mais ils se montrent un peu moins sensibles. « L'idée consiste à coupler ces deux technologies avec les données relatives au sol et à l'agronomie dans le but d'avoir l'information la plus précise possible afin de fournir à l'agriculteur des éléments lui permettant de prendre une décision pertinente. » Ces informations sont rentrées dans un système de modélisation et les résultats sont accessibles via des plateformes telles que Mes P@rcelles.

L'investissement s'élève à 2.600.000 EUR. Retenu dans le cadre du Fonds unique interministériel, le projet bénéficie d'un financement de l'État à hauteur de 600.000 EUR. Les collectivités locales (Conseil régional, Conseil général, Agglomération et ville d'Orléans) apportent également 600.000 EUR. Le reste provient des différents partenaires du projet : les Établissements Jean-Chesneau, la chambre d'agriculture (230.000 EUR) AgroPithiviers (152.000 EUR), Limagrain, Telespazio et CybeleTech. « Il faut paramétrer le logiciel par espèce et par étape en fonction des besoins des producteurs. » L'outil devrait être opérationnel en 2016 et entrer dans sa phase industrielle en 2017. « Dans les années qui viennent, le secteur du végétal, qu'il s'agisse de l'agriculture ou de la forêt, connaîtra des innovations majeures : un secteur d'avenir au haut degré de technicité et créateur d'emplois. »

« Cela va dans le sens de l'histoire »

Les Établissements Jean-Chesneau ont investi 650.000 EUR (dont 290.000 EUR de financements publics) dans le projet Smart Agriculture. Commentaire de Jean-Michel Couade, directeur commercial : « Nous avons toujours été en pointe en termes d'agriculture de précision et de nouvelles technologies. » L'intéressé a travaillé pendant cinq ans chez John Deere en Allemagne, où il développa les nouvelles technologies. « Et depuis que je suis ici (NDLR : 2003), nous avons toujours été actifs en la matière. »

Notre interlocuteur poursuit : « Toute la partie guidage est devenue courante : de nos jours, aucun investissement dans un tracteur, un pulvérisateur trainé, un automoteur ou une moissonneuse-batteuse ne se conçoit sans parler de guidage. Cela est devenu un produit courant. » L'option est prise dans 30 à 40 % des cas. « De même, la coupure automatique des tronçons sur les pulvérisateurs (NDLR : cette fonction existe depuis environ sept ans) est une option répandue. »

Toutefois, il y a un hic : « La modulation intraparcellaire est très peu développée car il manque une analyse agronomique très fine : certes, il existe des outils mais ils ne sont pas assez précis. » Une lacune que comblerait Smart Agriculture : « Le projet donnera naissance à un outil précis de prévision de rendements et de pilotage des cultures. Par exemple, on mettra des intrants quand il faut là où il faut. » Le directeur commercial en est convaincu : « Si on dispose d'un outil d'analyse agronomique pointu, nos clients l'utiliseront : nos agriculteurs pourront faire de plus en plus d'agriculture de précision. » Comprendre : de la modulation intraparcellaire. Pour l'instant, cela ne concerne que deux clients des Établissements Jean-Chesneau alors qu'ils sont deux cents à recourir au guidage !

Augmenter le chiffre d'affaires

L'entreprise ne veut pas faire de conseil agronomique mais participe au projet pour faire avancer la technique. « Nous pensons qu'un maximum de gens utilisera la modulation intraparcellaire. Un projet d'avenir. Une réponse aux problématiques économique et environnementale. Cela va dans le sens de l'histoire. » À l'heure actuelle, ce marché est pratiquement inexistant. Dans les cinq ans qui suivront la naissance de Smart Agriculture, les Établissements Jean-Chesneau espèrent augmenter leur chiffre d'affaires de 1.500.000 EUR (NDLR : le chiffre d'affaires de l'entreprise est d'environ 15.000.000 EUR pour un effectif de quarante-trois salariés) et embaucher une personne supplémentaire dédiée aux nouvelles technologies. L'entité dispose déjà d'un collaborateur qui consacre 80 % de son temps de travail à cette activité. Il pourrait donc y en avoir un deuxième.

Smart Agriculture est un outil d'aide à la décision dont le développement informatique représente le vecteur. « C'est la première fois qu'on arrive à avoir un intervenant à chaque niveau de la filière » explique Jean-Michel Couade. Le projet associe sept partenaires. « On va des semences jusqu'aux données agronomiques de terrain en passant par l'information en temps réel sur les plantes, le développement du programme et sa mise en oeuvre. »

Des applications concrètes

Pour leur part, les Établissements Jean-Chesneau fourniront toute la technologie qui permettra de faire de la modulation intraparcellaire dans les champs. Les tracteurs seront munis du boîtier Isobus. Différents outils y seront rattachés avec, à chaque fois, des applications concrètes : semoir (varier la densité des semis), épandeur d'engrais (varier la densité des engrais), pulvérisateur (varier la densité des engrais liquides et des applications de produits phytosanitaires). Ajoutons que l'entreprise spicacienne est spécialisée dans l'irrigation. Or la modulation de l'irrigation n'existe pas encore. L'enjeu : apporter la bonne quantité d'eau là où il le faut quand il le faut.

Les moissonneuses-batteuses sont dotées de capteurs de rendements : ceux-ci donnent le résultat total. En d'autres termes, ils permettent de savoir si l'agriculteur a bien travaillé. « Cela donne aussi une information pour la campagne suivante à travers la délivrance d'une carte de rendements potentiels. » Associé à la modulation intraparcellaire, l'outil n'en serait que plus pertinent.

CybeleTech en un coup d'oeil

- Création : fin 2011.

- Localisation : centre d'innovation, 16, rue Léonard-de-Vinci, à Orléans.

- Activité : conception de logiciels liés à la croissance des plantes.

- Effectifs : 5 salariés.

- Chiffre d'affaires 2013 :150.000 EUR. Objectif 2014 : 500.000 EUR.

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