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Sans néonicotinoïdes, les pertes de rendement et de qualité seront inévitables

La chambre de l’agriculture a organisé une conférence de presse pour revenir sur deux problématiques majeures : les inondations et l’utilisation des produits phytosanitaires.

© Sabrina Beaudoin

Mardi 14 juin, la chambre d’agriculture du Loiret a organisé une conférence de presse à Coudroy, secteur de Lorris, chez Gérard Pivoteau. L’idée était de revenir sur deux problématiques agricoles actuelles très importantes : les inondations récentes, causes et conséquences et l’utilisation des produits phytosanitaires.

«On veut nous supprimer des produits sans raison scientifique valable. Si au 30 juin, la commission européenne n’a pas ré-autorisé le glyphosate, alors il sera aussi interdit et nous aurons 6 mois pour écouler nos stocks» précise Jean-Jacques Hautefeuille, élu chambre d’agriculture et responsable de la commission environnement à la FDSEA.

 

Des produits essentiels

L’Assemblée nationale a voté à la mi-mars en deuxième lecture, l’interdiction sans dérogation des néonicotinoïdes à partir du 1er septembre 2018. «Les néonicotinoïdes sont accusés de faire disparaître les abeilles. Ce sont des produits utilisés pour traiter la semence pour lutter contre les pucerons qui transmettent des virus. Si on nous supprime les néonicotinoïdes, on devra ressortir le pulvé pour répandre de l’insecticide. Les céréales et les betteraves à sucre ne sont pas des cultures attractives pour les abeilles. Cette année on a la preuve de l’efficacité des néonicotinoïdes. Ceux qui n’ont pas traité les semences cette année, se retrouvent avec des parcelles malades. Si on sème tard, après le 1er novembre, le problème est moindre, mais on ne peut pas semer tard partout. Sans les néonicotinoïdes, il faudra trouver un autre produit pour lutter contre les pucerons et l’avantage environnemental est réduit à néant » poursuit l’élu.

Une autre solution pourrait être l’amélioration génétique des plantes mais de ce côté-là aussi le débat est difficile.

 

Perte de rendement, de qualité, d’argent…

« Ici nous avons un blé semé mi-octobre sans traitement de semences pour lutter contre les pucerons et un autre, semé en décembre avec un traitement néonicotinoïdes. La différence est impressionnante (voir photo de UNE du journal). Pour le blé traité, le feuillage est plus vert, le blé est propre, il y a plus d’épis, le champ est régulier, alors que l’autre a moins d’épis, le champ a mal poussé, il y a plus de mauvaises herbes, j’estime une nuisibilité de 50%. Sur un champ où il fait normalement 60 qx il ne fera que 30 qx et encore » explique  Boris Lorne, conseillé à la chambre de l’agriculture et responsable du secteur Lorris. « En plus, on perd en qualité, à cause de la maladie. On estime une perte de 20 %. La maladie va réduire le poids spécifique du grain » souligne-t-il. «C’est un virus, ça fragilise la plante. Comme il n’y a pas de feuilles, il n’y aura pas de photosynthèse. La virose c’est une maladie très dangereuse et un simple traitement de semences peut éviter les problèmes. Traitement qui coûte 20-25 €/ha à l’agriculteur. Mais sans traitement, il va perdre 50 % de son chiffre d’affaires» poursuit le technicien.

Ces produits sont utilisés depuis les années 90 bien avant que les apiculteurs ne rencontrent des problèmes avec les abeilles. Jean-Jacques Hautefeuille précise même qu’une étude réalisée par l’Inra sur colza (plante attractive pour les abeilles) a démontré que la production de miel n’est pas différente lorsqu’on place une ruche dans un champ traité et non-traité. « Les néonicotinoïdes ont été interdits sur colza, tournesol et maïs. Ils sont seulement utilisés sur céréales (blé-orge) et betteraves sucrières. Nous utilisons ce produit depuis plus de 25  ans. Le problème des abeilles ne remonte qu’à 7-8 ans» confie Boris Lorne.

« Nous sommes très inquiets pour l’avenir. Les néonicotinoïdes et le glyphosate  sont des matières actives et si on les interdits on revient 30 ans en arrière. On perd tout ! » avoue le conseiller à la chambre d’agriculture. A savoir que les produits utilisés pour lutter contre les puces et tiques sur les animaux et les poux sur les enfants, proviennent de la même famille de néonicotinoïdes, produits bientôt interdits en agriculture... Sans ces produits, non seulement le rendement sera divisé par 2 mais en plus la qualité du grain sera diminuée. En plus, les fortes précipitations de fin mai sont tombées au moment de la floraison, ce qui a fait avorter la fleur en partie. 80 % des blés du Loiret ont fleuri pendant les trois jours de pluie.

 

Inondation : Plus de 20 000 hectares sévèrement touchés

Les inondations de début juin ont eu des conséquences dramatiques sur l’agriculture. Même si les dégâts sont encore en cours de recensement, la chambre d’agriculture n’a jamais vu un tel scénario. «On estime que plus de 20 000 hectares sont sévèrement touchés. On a mis en place une enquête à ce niveau là. Tous les secteurs agricoles et toutes les productions ont été impactés» avoue Xavier Girard, chef du service Agronomie, Environnement et Productions végétales à la chambre d’agriculture. Les conséquences sont impressionnantes sur tout le département. Plus de 250 communes ont été touchées. Plus de 350 agriculteurs fortement sinistrés. Des dossiers «calamités agricoles» sont en cours.

«Les horticulteurs et pépiniéristes du Val d’Orléans ont été sévèrement touchés. La production de plants a été noyée et cela handicape non seulement la campagne de vente actuelle mais aussi celle de l’année prochaine car tous les plants ont été détruits. On note aussi de nombreux dégâts sur les installations électriques, les serres, tracteurs...» précise Xavier Girard.

 

Fruits et légumes : plus de 400 hectares inondés, 1300 hectares ne pouvant plus être semés

Le Loiret est le premier département producteur de betteraves rouges. Suite aux inondations, plus de 300 hectares ont été noyés et sont irrécupérables ! Les conséquences pour la suite sont catastrophiques. Un planning de semis est mis en place pour faire tourner les usines. Il sera retardé car il est impossible d’aller dans les champs. Le rendement sera fortement réduit et l’économie du Loiret sera impactée. Même conséquence pour les haricots vers, carottes, salsifis et pois. Les producteurs de pommes de terre sont aussi touchés. Beaucoup d’hectares ont été impactés. L’aspect qualité risque d’être touché car avec la quantité d’eau tombée, sur des terres qui ne sèchent pas, le mildiou va faire son apparition et il sera impossible de passer dans les champs avec le pulvé.

On note aussi des problèmes d’éclatement sur les cerises.

Près de 15 000 hectares de céréales ont fortement été impactés. «Les champs ont été versés, on ne peut pas traiter, nous avons vu de l’eau jusqu’aux épis de blé, du jamais vu. On verra une grosse perte rendement et de qualité. Ce sont des conditions favorables pour les maladies sur épis telle que la fusariose, ce qui peut entraîner la non-commercialisation du grain donc une perte de prix» confie Xavier Girard. Les éleveurs n’ont pas été épargnés. Certaines installations, étables et salles de traite ont pris l’eau. La grosse perte pour les éleveurs c’est la production fourragère. Les prés sont sous l’eau et ne sont pas récoltables. On note aussi une grosse perte de qualité sur la valeur alimentaire du fourrage. «Les maïs pour l’ensilage parfois tout jeunes ont aussi été noyés. Les éleveurs vont devoir trouver des solutions pour nourrir leurs animaux cet hiver, ça va coûter plus cher» précise Xavier Girard.

 

Forte précipitation et pas d’entretien des cours d’eau

Les inondations sont liées aux fortes précipitations, entre 150 et 200 mm par secteur en 3 jours. Mais cela a été amplifié par un mauvais entretien des cours d’eau. « Les agriculteurs ne peuvent pas faire l’entretien eux-mêmes, il faut des autorisation et il y a des contrôles. Il faut faire des analyses. C’est très contraignants même pour le Syndicat de l’eau et du coup rien ou presque n’est fait » souligne Jean-Jacques Hautefeuille.

Les anciens avaient réalisé des drainages qui se trouvent aujourd’hui sous le lit de la rivière, cela prouve bien que l’entretien n’a pas (ou peu) été réalisé. L’entretien régulier et correct des cours d’eau n’aurait pas empêché les inondations mais cela les a aggravées.

Accompagnement des agriculteurs du Loiret affectés par les inondations

Un guichet unique est constitué pour recueillir l’ensemble des questions des agriculteurs : Chambre d’agriculture du Loiret : Contacts : 02 38 71 90 94 Patrick Mouré (Orléans) - 02 38 67 28 52 Elise Pereira (Gien)

Recensement des dégâts : Les agriculteurs touchés qui ne l’auraient pas encore fait
sont invités à se signaler sans délais :

• 1° auprès de leur assureur,
• 2° auprès de la chambre d’agriculture

Ecoute et soutien moral : cellule d’écoute de la MSA au 02 48 55 40 97.

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