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« Personne n’ose dire que l’agriculture française n’est plus compétitive ! »

Le vendredi 20 novembre, la chambre d’agriculture tenait sa dernière session de l’année civile : Michel Masson, le président de l’entité, y a dénoncé une «omerta» !

Michel Masson, à gauche : « Il est temps de sonner le tocsin ! »
Michel Masson, à gauche : « Il est temps de sonner le tocsin ! »
© Olivier JOLY

Après une minute de silence en hommage aux victimes des récents attentats de Paris, les élus de la chambre d’agriculture, lors de la session du vendredi 20 novembre, votèrent le budget initial 2016. Celui-ci s’établit à 7.572.062 €. Commentaire de Michel Masson, le président de l’entité : «Dans le cadre de la réforme territoriale, le Département perdrait la compétence économique mais la Région lui en rétrocéderait une partie. À l’heure actuelle, on ne sait pas combien le Conseil départemental versera à la Chambre.» Tous les ans, la contribution départementale s’élève à 260.000 €. Si celle-ci disparaissait, « il est fort possible qu’on rogne sur les subventions car on ne pourra pas distribuer l’argent qu’on n’a pas». Pour 2016, les subventions accordées au titre de la gestion courante s’élèvent à 349.690 €. «On met en œuvre ce qu’on avait prévu. (…)

L’autorité de tutelle impose ses exigences aux Chambres alors qu’elle est incapable de le faire à Bercy ! » L’orateur faisait allusion au déficit prévisionnel de 70.000 €, alors qu’il y a beaucoup d’incertitudes. En cours d’exercice, « il y aura un budget modificatif pour s’approcher le plus possible de la réalité ».

Une enveloppe de 160.000 €

Jean-Claude Prieur ouvrit les questions d’actualité : «On travaille avec le Conseil régional pour refaire un contrat d’appui à la filière bovin viande. L’enjeu : la relance de l’engraissement et la complémentarité entre le végétal et l’animal. Concernant la Fièvre catarrhale ovine, les procédures de vaccination et les circuits de commercialisation se mettent en place.» Jean Daudin annonça que le Département abonderait le Fonds d’allègement de charges avec une enveloppe de 160.000 € : «Cela ne sauvera pas tout l’élevage mais donnera une bouffée d’air aux éleveurs.»
«Les éleveurs ne sont pas payés au juste prix : cela ne pourra pas durer longtemps !»
s’exprima Michel Masson. Le président de la Chambre fit cette analyse : «La France, qui était une référence mondiale, n’a plus aucune stratégie agricole : chez nous, c’est à la petite semaine. Avec le Feader, la Région va devenir un maillon central du développement économique. Or il n’y a aucune stratégie de développement économique. Les engagements du ministre de l’Agriculture ne sont pas tenus : pas de pilote dans l’avion et on sait ce qu’il advient d’un avion sans pilote !»

Président de la commission économie et compétitivité des entreprises, Philippe Galloo s’exprima en ces termes : «On apporte une réponse sociale à l’élevage alors qu’il faudrait une réponse économique : la chambre d’agriculture doit être capable de faire des propositions. (…) Les Groupements de Développement agricole doivent techniquement monter en gamme.» L’orateur évoqua «l’intérêt des groupes de progrès pour construire quelque chose de performant».

8.000 € de manque à gagner

Les débats se poursuivirent avec cette déclaration de Michel Masson : «Personne n’ose dire que l’agriculture française n’est plus compétitive. Il y a une omerta. Il est temps de sonner le tocsin avant qu’il ne soit trop tard !»

Philippe Galloo prolongea l’analyse : «La réglementation risque de mettre à mal certaines filières. En Allemagne, la gestion de l’azote est différente : on fixe un taux de protéines et on détermine l’itinéraire technique pour atteindre cet objectif. En France, on fait l’inverse.» Jean-Louis Manceau ne dit pas autre chose : «8.000 € de manque à gagner sur mon exploitation à cause des mesures administratives : trop c’est trop !» Depuis 2007, le prix des céréales a augmenté. D’où cette réflexion de Cédric Benoist : «La grille protéique doit être revue : on n’est pas forcément mieux payé par les organismes stockeurs quand on est un bon élève.» Des propos repris à son compte par Michel Masson : «La qualité doit être mieux valorisée. Il faut trouver une porte de sortie durable : une question vitale pour le département.»

Des opérateurs recherchent des éleveurs de dindes et de poules pondeuses, surtout en bio. «Le contexte est favorable pour investir dans la volaille» a déclaré Jean-Willem Coppoolse. Celui-ci n’occulta pas la complexité de l’itinéraire technique en dindes : «On risque de louper un lot sur deux !» Michel Masson fit cette réflexion : «On ne peut pas mettre en place une stratégie reposant sur un mono-produit : il est opportun d’alterner dindes et poulets. »

Seine-Normandie : des exigences supérieures

Président de la commission agronomie et environnement, Jean-Jacques Hautefeuille aborda plusieurs sujets. Premièrement, les Schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage) Loire-Bretagne et Seine-Normandie, que les comités de bassins des deux zones viennent de voter. «Ils n’ont pas été approuvés à une large majorité. Question : comment les Schémas d’aménagement et de gestion des eaux (Sage) seront-ils mis en œuvre ? Il faudra être présent dans les commissions locales de l’eau. Au niveau de Loire-Bretagne, il y a eu une évolution : "on est revenu strictement à la directive nitrates. Sur Seine-Normandie, les exigences sont supérieures. Dans le premier cas, la commission agriculture fonctionne. Pas dans le second… »
L’administration semble désireuse de relancer la procédure des Bassins d’alimentation de captages : «Je m’inquiète de la mise en œuvre de mesures qui pourraient devenir obligatoires.» Quid de l’inventaire des cours d’eau ? «La procédure est en cours. Problème : la volonté de l’administration de faire passer certains fossés en cours d’eau. Certains busages pourraient aussi se retrouver en cours d’eau.» Michel Masson livra son point de vue : «Prenons le temps de faire de bonnes expertises, d’autant que les critères sont clairs : en général, quand on fait un travail sérieux, les gens ne le remettent pas en cause !» L’orateur clôtura la session par ces mots : «On continue à travailler le projet de la mandature : la compétitivité des entreprises. On a décidé d’augmenter notre compétence technique sur le terrain et de rémunérer les agents en fonction de leurs performances. Je tiens à ce que les gens compétents et performants restent au service des agriculteurs.»

Motions : unanimité

Sur proposition de Philippe Allaire, la Chambre a adopté deux motions à l’unanimité. La première portait sur la définition des cours d’eau : « La détermination éventuelle d’un écoulement en cours d’eau doit se fonder uniquement sur un travail de terrain considérable, associant obligatoirement les riverains concernés, plutôt qu’en prenant pour base les cartes IGN au 1/25.000e. Seuls les trois critères cumulatifs doivent être analysés, sans aucune référence à d’autres critères complémentaires ni à des cours d’eau identifiés au titre d’autres réglementations. (…) En cas de doute sur l’un des trois critères, l’écoulement ne doit pas être classé en cours d’eau. »

Une révision de la directive nitrates

Dans le deuxième texte, relatif aux zones vulnérables, la chambre d’agriculture demande que : «L’État français renonce au classement de nouvelles communes en zone vulnérable fondé sur l’utilisation du critère de 18 mg/l ; l’État français renonce à l’utilisation de la méthode du percentile pour déterminer le classement des masses d’eau et donc la délimitation des zones vulnérables ; l’État français engage des démarches auprès des autres États membres et de la Commission européenne pour procéder à la révision de la directive nitrates, en vertu de l’état actuel des connaissances.»

Par deux délibérations, l’assemblée a également donné pouvoir au bureau de la Chambre d’engager des recours contentieux à l’égard des arrêtés préfectoraux approuvant les Sdage Loire-Bretagne et Seine-Normandie et les programmes de mesures les accompagnant.

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