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Les enfants qui grandissent à la ferme sont davantage protégés

Depuis quelques années, une nouvelle théorie a le vent en poupe dans le milieu des allergologues : se prémunir à tout prix d’une exposition aux bactéries et virus dans la prime enfance aurait des contre-effets des années plus tard, avec un développement accru d’allergies et d’asthme. Pour la première fois, des chercheurs belges démontrent un mécanisme de protection conférée par une exposition des jeunes enfants à des composants de bactéries et à des poussières communes des fermes.

Les enfants de moins de 2 ans exposés à la poussière de ferme et aux endotoxines auraient moins d’allergies.
Les enfants de moins de 2 ans exposés à la poussière de ferme et aux endotoxines auraient moins d’allergies.
© Emilie Durand

En vingt ans, le nombre d’allergiques a été multiplié par vingt dans le monde et l’Organisation mondiale de la santé prédit qu’une personne sur deux sera touchée en 2050. Parmi les heureux exempts de cette affection incommode, voire invalidante, se trouveront sans doute les enfants ayant grandi à la ferme. Une étude belge parue dans Sciencedébut septembre démontre en effet pour la première fois l’effet protecteur d’une exposition précoce à des composants présents dans un tel environnement. «Un moindre développement d’allergies et d’asthme avait été observé depuis quelques années chez les enfants ayant grandi à la ferme», détaille Hamida Hammad, l’une des auteurs de l’étude, chercheur à l’université de Gand. «Cependant, c’est la première fois qu’un des mécanismes de protection à l’oeuvre est décrit».

Pour ce faire, les chercheurs ont exposé des souris à des endotoxines, composants de l’enveloppe de bactéries présentes dans les fermes, et à de la poussière de fermes, mélange complexe prélevé dans des fermes laitières allemandes, puis ont observé la réaction de ces souris à l’exposition aux acariens. Les souris qui avaient préalablement respiré des endotoxines ou de la poussière de ferme ont développé nettement moins de symptômes allergiques. L’étude montre également que le mécanisme de protection passe par la synthèse d’une enzyme appelée A20, au rôle anti-inflammatoire, produite lorsque l’organisme est exposé aux endotoxines par exemple.

Les fermes laitières plus protectrices

Le rôle de la protéine A20 a été confirmé sur une cohorte d’enfants ayant grandi dans des fermes. Ceux qui présentaient une mutation invalidant cette enzyme ne bénéficiaient pas de l’effet protecteur d’une exposition précoce à la poussière de ferme et aux endotoxines. «Tous les individus ne sont pas égaux devant ce mécanisme de protection. Ce qui est certain, c’est qu’il ne peut s’exercer que lors d’une exposition vraiment précoce, avant l’âge de deux ans, à une période de développement du poumon», précise Hamida Hammad.

Les chercheurs espèrent maintenant mieux caractériser la composition de la complexe poussière de ferme pour identifier le composé le plus protecteur. «La cohorte humaine que nous avons étudiée inclut des fermes suisses et allemandes et il semble que l’une des particularités essentielles liées à la protection contre les allergies soit la présence d’une étable collée à l’habitation. La présence de foin, de vaches et de chèvres est extrêmement protectrice, en revanche malheureusement, cochons et moutons n’apportent aucune protection», énumère la chercheuse. La consommation de lait de vache cru par les enfants présente également un effet protecteur, décrit dans de nombreuses publications épidémiologiques. Si le lien est clairement établi, le mécanisme d’action dans l’intestin reste à découvrir et pourrait passer non par la présence de bactéries cette fois, mais par l’action de protéines constitutives du lait.

Un objectif européen, la prévention

De telles recherches ont été soutenues par l’Union européenne qui entend promouvoir la collecte de données au sein de larges cohortes d’enfants. Ainsi l’étude Gabriela, utilisée par les auteurs du récent papier dans Science, s’est attachée à suivre le développement d’allergies et l’exposition à des facteurs ruraux chez plus de 7 000 enfants dans des fermes suisses, allemandes et autrichiennes. L’étude Pasture, elle, a enrôlé plus de 1 000 familles dans cinq centres en Autriche, Allemagne, Finlande, France et Suisse, depuis la grossesse jusqu’aux douze mois de l’enfant. Elle a participé à démontrer qu’une exposition in utero à un environnement de ferme confère aussi une protection à l’enfant à venir.

L’objectif clairement affiché est la prévention. L’idée de trop tenir à l’écart les enfants des allergènes dans leur jeune âge est remise en question, sans aller trop loin non plus dans la critique d’une hygiène de base nécessaire à la prévention des maladies infectieuses. Aux Pays-Bas, certains agriculteurs proposent des crèches à la ferme. Et pour ceux qui n’ont pas la chance de grandir dans un tel environnement, l’équipe de chercheurs propose un traitement préventif. «On peut imaginer «immuniser» les jeunes enfants par des aérosols d’endotoxines par exemple. Cependant, le geste doit absolument intervenir avant le développement de l’allergie, car passé ce cap, toute exposition à des poussières de ferme aggrave les symptômes», prévient Hamida Hammad.

Les agriculteurs vivent plus longtemps mais moins bien

De grandes études de cohortes s’attachent à étudier l’état de santé de la population agricole en regard de la population totale de la France. Il est maintenant admis que les agriculteurs ont une espérance de vie plus longue que la moyenne mais subissent davantage d’années de santé altérée, ce qui a été confirmé par la dernière étude de la Drees sur l’état de santé de la population en France de 2015. La cohorte Agrican, constituée en 2005 auprès de 180 000 affiliés à la Mutualité sociale agricole étudie notamment les risques de cancers chez les agriculteurs. Le taux de mortalité par cancer y est inférieur à celui de la population générale. Cependant, la situation est contrastée entre des cancers sous-représentés, comme le cancer du poumon, du sein chez la femme, de la vessie ou encore du foie, et des cancers plus fréquents comme le mélanome ou des cancers du sang. Parmi les facteurs de risques, l’exposition aux UV solaires ou à certains pesticides. Les élevages de bovins ont, eux montré, une protection contre le cancer du poumon, grâce au contact avec les endotoxines. Ces substances d’origine microbienne pourraient cependant augmenter le risque de certaines maladies respiratoires non cancéreuses, comme l’atteinte bronchique. Pas de règle absolue !

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