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Interview
600 irrigants s'insurgent contre l'organisme unique...le préfet du Loiret répond

Le jeudi 20 février Pierre-Etienne Bisch, préfet du Loiret répondait à l'inquiétude des irritants Loiretains.

© Loiret agricole et rural

Loiret agricole et rural : En décembre dernier, les irrigants du Loiret prélevant dans la nappe de Beauce vous adressaient une pétition afin que leur droit individuel soit préservé dans le cadre de l’Organisme unique. Plus de six cents irrigants, soit la moitié des professionnels concernés, avaient signé cette pétition : un chiffre colossal !

Pierre-Étienne Bisch : Tout à fait ! J’ai bien sûr pris très au sérieux cette pétition qui m’a été remise par le président des syndicats d’irrigants du Loiret (NDLR : Jean-Marc Leluc). Celui-ci est venu à la Préfecture à la fin de l’année dernière.

LAR : Qu’avez-vous répondu aux irrigants ? Leur droit d’antériorité sera-t-il maintenu ?

P.-É.B. : Je crois qu’il faut préciser le cadre dans lequel nous sommes maintenant. La loi sur l’eau de 2006 a prévu un dispositif particulier qui concerne les irrigants : c’est l’Organisme unique. Celui-ci, dans les zones de répartition comme c’est le cas pour nous, peut être créé d’office par l’autorité administrative. Mais dans le département du Loiret, il n’a pas été nécessaire de procéder ainsi puisque la chambre d’agriculture s’est elle-même portée candidate pour le réaliser. Par conséquent, c’est dans le cadre du régime de l’Organisme unique que nous nous situons.

La logique de ce dernier, c’est que la profession concernée, structurée au sein de l’Organisme unique, peut devenir la nouvelle entité qui va gérer la répartition de la ressource en eau. Le préfet délivrera, pour une durée de quinze ans, un certain volume d’eau global qui sera alloué à cet Organisme unique. À charge, pour ce dernier, de faire des propositions de répartition. Dans un deuxième temps, au vu de ces propositions, le préfet notifiera à chacun des agriculteurs le volume d’eau qui lui est alloué. Jusqu’à présent, seul l’État était l’interlocuteur individuel de chacun des irrigants. Désormais, on propose aux irrigants de se structurer eux-mêmes dans un organisme nouveau qui est leur émanation, qui fait des propositions sur les volumes d’eau possibles compte tenu des caractéristiques de la zone concernée. Ensuite, la répartition se fait. Je crois que c’est un progrès démocratique puisque c’est la profession concernée qui formule les propositions. À charge pour elle d’avoir une vision sur quinze ans de ce que peut être la répartition.

LAR : Pour des professionnels qui disposaient d’un droit pérenne, cette limitation à quinze ans ne risque-t-elle pas de fragiliser les exploitations ?

P.-É.B. : J’ai bien sûr compris que la notion de droit pérenne était très importante dans la mentalité des exploitants, qui y voient une sorte de droit historique. Toutefois, entre temps, la nation a pris conscience de la rareté et de la fragilité de la ressource en eau. Donc, désormais, il faut procéder à une gestion collective et économe de cette ressource. L’autorisation pour quinze ans ne veut pas dire que les choses seront radicalement remises en cause tous les quinze ans, au point de fragiliser un investissement qu’on mettrait davantage de temps à amortir. Avec cet horizon de quinze ans que je qualifierais de raisonnable, on réexamine la situation pour voir la ressource en eau, la nature des infiltrations dans les terrains, etc. La tendance générale ne consiste pas à remettre en cause les droits individuels. Néanmoins, tous autant que nous sommes, on doit admettre qu’il faut avoir un regard nouveau sur la ressource en eau, qui devient une ressource rare.

LAR : Les irrigants sont les premiers à vouloir jouer le jeu d’une gestion raisonnée de la ressource en eau. Dans ces conditions, pourquoi avoir restreint leurs droits ?

P.-É.B. : Je ne pense pas qu’on ait restreint leurs droits. On leur propose au contraire, et la chambre d’agriculture l’avait bien compris en se portante candidate, de passer à une gestion ayant une partie collective : il s’agit de la vision à moyen terme de la masse d’eau nécessaire. Et cela ne fait pas injustice aux allocations individuelles qui seront proposées par l’Organisme unique et notifiées par le préfet. Nous sommes dans une sorte de jeu à trois où le rôle de l’administration d’État, le préfet ou la Direction départementale des Territoires dans la pratique, sera de notifier ce que l’Organisme unique aura proposé. Le fait que ce soit une chambre d’agriculture qui soit cet organisme unique représente, à mon avis, un facteur de confiance pour les agriculteurs.

LAR : Les irrigants ont le sentiment de perdre un droit citoyen : est-ce quelque chose que vous comprenez ?

P.-É.B. : Dans la société actuelle qui est en profonde mutation, dans bien des domaines, ce à quoi nous étions attachés de longue date est souvent remis en cause. Donc, je comprends très bien l’inquiétude et la légitimité de la question posée. D’ailleurs, j’avais eu une très bonne réunion sur ces sujets-là avec le président du syndicat des irrigants. Néanmoins, dans un courrier daté du 12 février dernier, j’avais été amené à répondre aux irrigants pour leur dire ce que je viens de vous dire. Je pense que la meilleure réponse est la suivante : faites vivre l’Organisme unique en étant très présents dedans ! Soyez exigeants à son égard ! Toutefois, faites-lui confiance par ce que l’Organisme unique c’est vous-mêmes !

LAR : Entre la loi sur l’eau de 2006, qui fixe un cadre général, et le décret du 24 septembre 2009, qui précise les choses, n’y a-t-il pas un décalage qui fait qu’il y ait une certaine incompréhension de la part des irrigants ?

P.-É.B. : En fait, la loi à laquelle vous faites allusion, et en particulier son article L 221.3, prévoit l’existence de l’Organisme unique et renvoie au décret pour la définition précise de toutes les choses. C’est donc à juste titre que nous nous positionnons par rapport au décret puisque le gouvernement avait été habilité par le législateur à donner toutes les précisions sur le sujet.

LAR : Pourquoi les agriculteurs sont-ils traités différemment des industriels et des particuliers, qui sont également des utilisateurs d’eau ?

P.-É.B. : La législation et la réglementation essaient de traiter de manière différenciée les différents secteurs de l’activité économique pour coller aux réalités. Et je peux vous assurer que les règles qui s’appliquent au monde industriel sont extrêmement sévères ! Est-ce que j’oserais dire peut-être encore plus sévères que dans d’autres secteurs ? Au niveau agricole, nous avons à traiter la raréfaction de la ressource. Et on suggère à cette branche professionnelle de s’en occuper elle-même : c’est la meilleure forme de respect !

LAR : Les irrigants sont favorables à la naissance de l’Organisme unique. Mais ils voient celui-ci comme une sorte de guichet unique et non comme une machine entravant leur travail : cette conception est-elle également la vôtre ?

P.-É.B. : Oui, tout à fait. Cet organisme fera la proposition globale et les propositions particulières. Il agira pour le compte des exploitants agricoles et il conseillera l’administration. Nous pouvons parler d’une notion de guichet unique. Le point important réside dans la confiance dans le dispositif. Désormais, ce qui me paraît nécessaire, c’est que la chambre d’agriculture dépose son dossier pour qu’une mise en œuvre puisse se faire vers la fin de cette année. Sinon, on piétine et on n’est pas dans le progrès !

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