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Création variétale
Une sélection naturelle pour apporter de la biodiversité

Vingt variétés de pommes de terre du Grocep sont inscrites au catalogue européen et l'organisation de producteurs intègre la dimension environnementale.

En 1978, sous l'impulsion de producteurs de plants de pommes de terre de la région Centre et du Sud de la France, la profession se dotait d'un outil de recherche dédié à la création variétale. Pendant plus de trente ans, cet équipement, situé à Laurière (Haute-Vienne), fut financé exclusivement par les producteurs eux-mêmes. Quel en était la raison d'être ? « Ne pas dépendre des semenciers européens et principalement des Néerlandais » répond Philippe Laty, directeur du Grocep (Groupement du Centre des producteurs de plants de pommes de terre).

Quarante ans après, vingt variétés sont inscrites au catalogue européen pour une surface de multiplication de 350 ha en France et à l'étranger. L'entité fonctionne avec un sélectionneur, un chercheur (employé à mi-temps) et deux techniciens. « Pour créer une nouvelle variété, on prend des géniteurs choisis en fonction de la descendance qu'on veut obtenir » explique Philippe Laty. Ce qui peut engendrer tout type de pomme de terre : longue ou ronde ; à peau jaune, rouge ou bicolore ; pour le marché français, l'Union européenne ou les pays tiers ; au cycle cultural long ou court ; plus ou moins sensible aux maladies ; ayant besoin de beaucoup d'eau pour être productive alors que d'autres variétés se comportent très bien face à la sécheresse, etc.

« Chaque année, on choisit cent vingt géniteurs avec lesquels on va faire deux cent cinquante croisements, en fonction de la descendance recherchée. » Cela donne 45.000 graines. « Une fois qu'on a une graine, elle ne sera pas modifiée : elle n'évoluera pas dans le temps. Objectif : sélectionner les meilleures variétés parmi les 45.000. »

Anticiper les besoins du marché

Le processus de sélection dure huit ans. « Le sélectionneur procède à une observation visuelle de la végétation puis des tubercules récoltés : cela permet d'éliminer 50 % des variétés créées. 48 % le seront après des tests en laboratoire. » Le goût, la sensibilité aux maladies, l'aptitude au stockage ainsi qu'à la mécanisation (passer dans la chaîne de fabrication) seront pris en compte. Au final, seuls 2 % des variétés seront conservés. « Le sélectionneur doit anticiper les besoins du marché. Aujourd'hui, la question est la suivante : quel sera le marché mondial en 2025 ? »

De 1978 à 1995, la station de recherche de Laurière a conçu des variétés pour le marché français. Depuis, l'établissement a pris deux virages. « Au milieu des années 1990, on a agrandi notre périmètre aux besoins existant à l'échelle mondiale et on a créé des variétés résistantes aux maladies. Aujourd'hui, on intègre tout ce qui est environnemental. »

Cela se décline sous deux aspects : la résistance à la sécheresse et un cycle cultural court. L'enjeu : produire un maximum de tonnes en un minimum de temps. « Et cela fonctionne partout » commente le directeur du Grocep : « En Afrique, il faut produire avant les températures élevées de mai. Dans l'Est de l'Europe, les plantations se font en mai après les températures basses et les récoltes ont lieu avant l'hiver. »

Aujourd'hui, le Grocep possède une vingtaine de variétés, fruit de son travail de sélection. Quand l'organisation de producteurs pense qu'une variété a un avenir commercial, elle la soumet à un examen qui dure deux ans et qui est orchestré par le ministère de l'Agriculture.

La valeur agronomique et technologique

Il y a deux examens de base dont la DHS, pour distincte, homogène et stable. Traduction : une variété différente des variétés existantes ; une ressemblance de toutes les plantes et de tous les tubercules ; la même variété quel que soit le lieu de production. Quant au deuxième examen, il porte sur la valeur agronomique et technologique (VAT). Sont pris en compte la productivité et le rendement ainsi que la sensibilité aux parasites, la qualité gustative et l'aptitude à la conservation.

Au bout de deux années, les experts donnent leur avis au ministère de l'Agriculture en vue d'une inscription au catalogue officiel. Pour le moment, le Grocep n'a enregistré qu'un seul refus pour vingt variétés inscrites ! « Nous sommes sur de la sélection naturelle pour, au final, apporter de la biodiversité » déclare Philippe Laty. « Une fois que les variétés sont inscrites, elles sont confiées à des entreprises de développement et de commercialisation : celles-ci développeront la production de plants en France et à l'étranger. »

Le Grocep a inscrit ses vingt variétés dans différentes catégories d'utilisation alimentaire : chair ferme (pour des préparations de pommes vapeur avec une bonne tenue à la cuisson), consommation précoce ou demi-précoce (potages, purées et frites ménagères), grenaille (variétés qui produisent de petits tubercules pour l'industrie de transformation). Il s'agit de pommes de terre cuites sous vide. Un produit dit de cinquième gamme, comme les betteraves rouges. Autres variétés existantes : les féculières, destinées à l'industrie de la papeterie, et celles qui partent à l'exportation.

En première année d'examen

En 2013, Cephora, une variété de consommation demi-précoce, et Grenadine, à la chair ferme, ont été inscrites au tableau d'honneur. Cette année, une variété est en première année d'examen : elle devrait passer en seconde année en 2015. « Le Grocep axe son travail sur la résistance aux maladies, notamment le mildiou » indique Philippe Laty, citant Cephora et Coquine. « Une troisième variété sera inscrite dans un an si tout va bien » conclut le directeur de l'organisation de producteurs.

Le point sur les expéditions

En 2013, en région Centre, la production de plants de pommes de terre certifiés s'est élevée à 13.000 t pour une surface de 367 ha. À l'échelle départementale, la production a atteint 4.000 t réparties sur 115 ha. 835 t ont été inspectées, conditionnées et expédiées entre décembre et janvier derniers à destination de pays tiers : Algérie : 390 t ; Liban : 140 t ; Maroc : 80 t ; Mali : 75 t ; Égypte : 50 t ; Libye : 50 t ; Israël : 25 t ; Jordanie : 25 t.

Directeur du Comité Centre et Sud, Philippe Laty explique : « Dans la majorité des cas, les semences ont été plantées en novembre dernier et certains pays sont déjà dans les récoltes des pommes de terre de consommation pour alimenter les marchés locaux ou pour exporter vers différentes destinations. » Par exemple, l'Égypte commercialise beaucoup de volumes vers la Russie. Il faut rappeler que cette dernière a mis en place, entre autres, un embargo sur la pomme de terre venant d'Europe de l'Ouest.

Grandes cultures : 80 % des débouchés

Actuellement, les opérateurs commerciaux sont tournés vers les pays de l'Europe du Sud : 200 t à la Grèce. Les positionnements de l'Italie et de l'Espagne sont attendus pour les jours à venir. Au final, les exportations représenteront 10 % des débouchés.

Un volume comparable concerne le petit calibre à destination du marché du jardin. « Le produit est en magasin et attend le beau temps » indique Philippe Laty. « Le jardinier va commencer à planter très prochainement, avec une couverture contre le gel, pour disposer d'une récolte de pomme de terre primeur en mai. »

Les grandes cultures représentent 80 % des débouchés. Une partie du volume, environ 500 t, a été expédiée vers les zones de production de pommes de terre de consommation primeur des régions du Sud de la France (la majorité des cultures est déjà mise en place). Avec les premiers jours de mars, c'est le début d'une période intense pour les inspections des lots, les conditionnements et les expéditions. « Expédier 10.000 t sur trois à quatre semaines de temps, c'est colossal ! » s'exclame Philippe Laty. La majorité de la production est destinée aux producteurs de pommes de terre de consommation de la région Centre. Le reste prend la direction du Nord de la France et de la Champagne. « Les expéditions sont guidées par les conditions météorologiques. Si ces dernières sont mauvaises, les expéditions sont retardées. Mais si elles sont favorables, tout le monde veut être livré en même temps ! Cela nécessite une grosse organisation du travail dans les bâtiments de stockage et une bonne logistique au niveau du transport. »

1.050 ha de plants de pommes de terre certifiés

En 2014, en région Centre, les surfaces dédiées à la production de plants de pommes de terre seront proches de 400 ha, soit une hausse de 8 % par rapport à 2013. Cette augmentation passe par le recrutement de nouveaux producteurs : au nombre de six, ceux-ci se trouvent dans les départements du Loiret et d'Eure-et-Loir. S'y ajoutent deux nouveaux opérateurs commerciaux : l'un est basé en Bretagne et l'autre est le représentant francilien d'un semencier allemand.

« Le recrutement de nouveaux producteurs se fait par l'intermédiaire d'opérations de communication » déclare Philippe Laty, qui cite le Cap'Filière semences. « La profession agricole cherche à se diversifier dans une filière très structurée. » À l'échelle du Comité Centre et Sud (NDLR : Aquitaine, Auvergne, Centre, Franche-Comté, Limousin, Midi-Pyrénées, Pays-de-la-Loire, Poitou-Charentes et Rhône-Alpes), on compte vingt-deux producteurs supplémentaires. Objectif : passer de 958 ha à 1.050 ha de plants de pommes de terre certifiés. « Nous allons continuer à recruter : des réflexions se sont déjà engagées pour 2015 avec de nouveaux agriculteurs. » La hausse de la production nécessitera d'augmenter les capacités des outils de transformation (triage, calibrage, stockage et conditionnement) : des producteurs sont actuellement en pleine réflexion pour créer de nouveaux outils opérationnels.

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