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Cédric Benoist : « On nous impose un stalinisme écologique ! »

Mardi 19 avril, se tenait à Amilly, l’assemblée générale de la FDSEA du Loiret. Après une vidéo très tonique rappellant toutes les activités syndicales 2015, Cédric Benoist le président du syndicat, a prononcé son discours.

© Olivier Joly

L’après-midi débuta par une rétrospective de l’année 2015 sous la forme d’une vidéo. A l’issue de celle-ci, Cédric Benoist, président de la FDSEA, prononça un discours de politique générale : « La longueur de la rétrospective vidéo témoigne de l’intensité de notre activité syndicale en 2015. Malheureusement, elle est la conséquence d’une crise que nous vivons depuis trois ans et qui n’en finit plus. Jean Daudin écrivait dans son discours l’an dernier que 10 % d’entre nous étaient en difficulté. On croyait avoir touché le fond, mal nous en a pris. Aujourd’hui, nous estimons à 50 % le taux d’entreprises agricoles en difficulté et aucune lueur n’apparait à l’horizon pour 2016. Lors de la dernière réforme de la PAC, les choix européens ont été de laisser libre-cours au marché, nous exposant à une volatilité des prix, que ce soit en production animale ou végétale. Dans le même temps, des espaces de liberté ont été accordés à chaque pays membre pour écrire sa propre politique agricole. Jamais dans l’histoire de la PAC une telle renationalisation n’avait été jusque-là possible ! La France a pris la décision d’actionner tous les leviers possibles permettant de ponctionner les montants des DPU. Curieuse décision d’un ministre que l’on croyait pourtant europhile et qui n’arrête pas de prendre des décisions unilatérales dans tous les domaines, nous mettant en défaut de concurrence avec nos concurrents les plus proches. »

De surprises en surprises !

« Le résultat est là : à force de ponctions, la convergence tant annoncée, et pour laquelle notre région s’était déjà prononcée lors de la réforme Barnier, s’est transformée en divergence ! Les DPU les plus faibles baissent encore alors qu’on espérait une hausse, certaines moyennes d’exploitations passant sous le seuil de survie des 200 €/ha. Quant aux DPU les plus élevés, ils sont sérieusement rabotés. Chacun jugera du résultat mais, cette réforme qui se voulait la solution pour certaines productions, n’a rien changé, sinon affaiblir la totalité de la ferme Loiret, producteurs laitiers et scopeurs de zones intermédiaires en tête ! Mais que dire de sa mise en place sinon qu’elle a donné lieu à une improvisation totale ! Le 29 avril, nous étions 600 à Orléans pour manifester notre mécontentement. Sincèrement, lorsque nous avons organisé cette action, jamais je n’aurais misé un euro sur le fait qu’un an plus tard tout ne serait pas finalisé ! »

« Depuis un an, nous allons de surprises en surprises : problématique de transfert DPU, ilots redessinés façon baroque, feuilleton tragicomique des SNA, incertitudes sur le décomptage des SIE, etc. Je n’accuserai pas l’administration de notre département, ce n’est pas dans nos  habitudes de tirer sur l’ambulance, mais la colère et l’incompréhension des paysans sont légitimes: d’un côté, approximation et improvisation du gouvernement. De l’autre, rigidité de certains corps de contrôles vis-à-vis des exploitants. La suffisance du ministère nous pèse ! Qu’il mette moins d’énergie dans sa communication, 53 communiqués de presse rien que cette année, mais qu’il la mette plutôt pour venir vivre la réalité du terrain avant de légiférer ! »

Une analyse rapide

« Au-delà de la crise économique, nous vivons une crise sociologique : notre profession et ses moyens de production n’ont jamais été autant attaquées. A un rythme effréné, se succèdent dans des médias, souvent dit de service public, ou tout du moins leur financement, des émissions dont le contenu et l’analyse sont pour le moins orientés : sans contradicteur ou droit de réponse et sur des bases scientifiques erronées. On nous rabâche du « c’était mieux avant », du « small is beautiful ». On nous vend du « Martine à la ferme » en exacerbant les désormais classiques oppositions bio/conventionnel et circuits courts/filières longues ou  export. Bref, il existerait un modèle miracle. On oublie un peu vite que c’est le marché qui fait le modèle et non l’inverse. A ce propos, j’ai fait une analyse rapide : au vu des surfaces en orge de brasserie dans notre département, s’il fallait tout écouler en vente directe, cela imposerait sans aucun doute que l’on organise tous les week-ends une fête de la bière à Orléans ! Transmettez le message à Olivier Carré ! Concernant les attaques sur nos moyens de production, nous nous interrogeons de savoir pourquoi, dans une société high-tech, hyper connectée, une telle défiance s’est installée. Il n’y a aucune raison pour que l’agriculture française regarde passer le train de la modernité. Face au stalinisme écologique qui nous est imposé, tels que les CEPP ou encore la sanctuarisation des haies, nous pensons que le progressisme agricole n’aboutira pas par la coercition mais par la liberté d’entreprendre et l’innovation. »

En ces temps d’instabilité géopolitique

« L’Homme a connu l’âge de pierre puis il est passé à l’âge de bronze, non pas parce qu’il n’avait plus de pierres mais, parce que, progressivement, il a trouvé mieux, tout simplement ! Demain, des alternatives aux phytosanitaires verront sans doute le jour, la robotique va se perfectionner : encore faut-il ne pas régresser et investir dans la recherche ! Et justement, l’interdiction des néonicotinoïdes récemment votée, mais peut-on appeler cela un vote, en est l’exemple même : une décision politique qui va à l’encontre du but recherché puisqu’elle nous obligera à des traitements en végétation avec certainement moins de sélectivité et plus d’impacts. Dans le même style, mais dans un domaine tout autre, le vote du compte pénibilité, inapplicable pour notre secteur, mais aussi la taxation des CDD, qui représentent les trois quarts des contrats de travail en agriculture, vont peser à la fois sur notre compétitivité mais aussi sur l’emploi. En agriculture, les CDD sont subis et non choisis, saisonnalité oblige !

Nos mandants doivent changer de méthode. L’Etat doit se comporter en facilitateur et non en censeur, le tout dans un cadre légal réellement coconstruit par les vrais acteurs de terrain. Bon nombres d’analystes s’accordent sur le rôle stratégique de notre secteur. En ces temps d’instabilité géopolitique aux portes de l’Europe, nos productions sont un véritable stabilisateur social pour des pays proches, n’en déplaisent à certains. Alors pourquoi lui mettre des boulets aux pieds ! »

«Je voulais finir mon discours sur une note plus optimiste, en direction des plus jeunes notamment. Au-delà de la situation actuelle, il existe des défis à relever sur le long terme. Nous ne disons pas que tout sera facile. Nous vivons une période de mutation. Nos parents et nos grands-parents ont eux aussi vécu des moments difficiles : une génération qui ne connait pas de crise ça n’existe pas ! Nos aînés se sont organisés, se sont formés, ont innové dans tous les domaines. Bref, ils ont été acteurs et force de propositions ! Il ne tient qu’à nous d’en faire de même ! N’attendons pas tout de l’Etat : on n’est jamais mieux servi que par soi-même !»

A noter :

Dans notre édition de la semaine prochaine, nous reviendrons sur cette assemblée générale à travers des interviews et des réactions.

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